Responsabilité pénale d’une société absorbante : La Cour de Cassation vient de prendre une décision sur les sociétés absorbantes qui risque de chambouler les restructurations d’entreprises.
C’est une véritable révolution juridique à la fois symbolique et éducative. Le 25 novembre dernier, la Cour de Cassation a en effet publié un arrêt sur la responsabilité pénale des personnes morales. Dorénavant, une société qui acquiert une autre entreprise peut, selon le cas, être pénalisée pour des fautes commises par l’entreprise absorbée, avant même son acquisition.
Pourquoi parle-t-on de décision révolutionnaire ? En France, le droit pénal se base sur le fondement absolu de l’article 121-1 du Code pénal qui précise que « nul n’est responsable que de son propre fait ». En d’autres mots, on ne peut tenir une personne comme fautive pour des actes commis par une autre personne, ce qui est tout à fait juste. Aussi, si un condamné meurt, toutes les poursuites pénales en son encontre sont automatiquement supprimées.
Pourtant, quand appliqué à la responsabilité pénale des personnes morales, cet article sous-entend que si une entreprise est dissoute de manière légale, car fusionnée avec une autre société par exemple, celle qui l’a acquise ne peut être retenue pour des faits que celle-ci a commis. Les grandes entreprises ou les succursales impliquées dans des affaires de :
- corruption,
- diverses fraudes,
- délits écologiques,
- malversations ou autre,
pourraient pourtant en profiter pour s’en sortir suite à une réorganisation ou en acquérant certaines filiales d’autres sociétés, en annulant automatiquement les charges qui pèsent contre celles-ci.
Avec la promulgation de ce nouvel arrêt, il leur est devenu impossible de continuer comme tel. Cependant, ce changement de jurisprudence ne s’applique qu’aux transactions conclues après le 25 novembre 2020, poursuit la Cour de cassation dans une note où elle en explique les raisons.
Le fondement de la décision
Quoi qu’il en soit, la Cour affirme toutefois que la responsabilité pleine et entière de la société absorbante perdure, qu’importe la date de la transaction. C’est surtout le cas quand le but de l’acquisition est de ne pas soumettre celle-ci à sa responsabilité pénale. En effet, agir comme tel signifie frauder.
Cela n’a nullement étonné les juristes quand la décision revient sur le fondement même de la législation pénale française. Selon un expert en droit, le droit français ne s’accorde pas avec le droit européen. Des arrêts de la Cour de justice de l’UE en 2015 et de la CEDH en 2019 proposaient déjà la révision de la manière à laquelle les Français assimilent judiciairement la responsabilité pénale de personnes physiques et morales. Le but est de distinguer la responsabilité des personnes morales. On a déjà mis en oeuvre cette solution pour sanctionner les régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers ou l’Autorité de la concurrence, suite à l’application du concept de continuité économique de la société. Ce n’était pourtant pas le cas en termes pénal.
Notion humanisée
La Cour de cassation a ainsi délaissé cette notion humanisée de la personne morale. Cela risque d’engendrer de lourdes conséquences : un concept qui bouleverse totalement la notion française de la responsabilité morale. Cette révision ne manquera pas ainsi d’impacter les prochaines transactions de fusions-acquisitions, notamment, en matière de réorganisation au sein d’un même groupe d’entreprises.
Cet arrêt peut être autre rendre plus autonome cette responsabilité qui n’inclut pas celle des personnes physiques qui ont accompli toutes seules ou avec des tiers les faits mentionnés. Il est ainsi possible que seule, la responsabilité de la personne morale soit retenue.