Comble de l’ironie, contrairement à ce que certaines entreprises ont espéré, 2019 qui devrait être marquée par l’entrée en Bourse de quelques-unes d’entre elles en a finalement déçu plus d’un. C’est le cas de celles largement diffusées dans les médias, mais qui se sont montrées moins performantes d’Uber et de Lyft. Il en est de même pour l’entrée en Bourse de WeWork qui a été reportée à une date inconnue. Ce report a entraîné des débats sur l’éventuelle existence d’une bulle financière dans l’industrie des nouvelles technologies.
En parallèle avec l’apparition de la pandémie, on pourrait ainsi estimer 2020 comme étant une année de tous les déboires. C’est tout le contraire qui s’était pourtant passé. 2020 s’est avérée être une excellente année pour Wall Street. Durant cette période, le nombre d’entrées en Bourse a largement dépassé toutes les attentes dans l’industrie de la tech.
L’entrée en Bourse d’Airbnb malgré la crise
Le 2nd semestre de 2020 a été le plus productif. Vers septembre, pas moins de 4 grands éditeurs de logiciel de la Silicon Valley sont entrés en Bourse :
- Snowflake qui se spécialise dans le cloud,
- Palantir, une entreprise qui excelle dans le traitement des données volumineuses,
- Unity, un spécialiste de jeux vidéo,
- Asana : un gestionnaire de communication d’équipes.
Ces enseignes ont réalisé toutes de jolies performances.
Une autre vague d’entreprises, mais spécialisée cette fois dans le BtoC, provenant toujours de la Silicon Valley, leur a emboîté le pas. En font partie :
- Airbnb qui a plusieurs fois repoussé la date fatidique, mais s’est quand même décidée à rejoindre Wall Street,
- Doordash qui se spécialise dans la livraison de repas et qui a vu son chiffre d’affaires bondir à cause de la pandémie,
- Roblox, une plateforme de jeux vidéo qui a également bénéficié du confinement,
- Affirm, un spécialiste des crédits à la consommation,
- Wish, un market place de produits numériques à prix réduit.
L’entrée en Bourse d’Airbnb semble pourtant aller à l’encontre de la réalité. En effet, l’entreprise n’a nullement profité de la crise sanitaire, car a dû renvoyer le ¼ de ses employés, soit 1 900 salariés. Elle a également contracté un emprunt de 2 Mds de dollars pour rembourser les hôtes qui ont dû essuyer de nombreuses annulations. Sa valorisation a même reculé de 16 %, pour chuter à 26 Mds de dollars.
L’entreprise a pourtant su adapter son business model à la situation existante. En avril 2020, il a déjà anticipé les changements qui ne manqueraient pas de se produire sur les types d’hébergement recherchés désormais par ses clients. Elle a ainsi privilégié les locations qui se trouvent à proximité des villes, mais dans un milieu rural afin de permettre aux citadins de s’évader en été sans risquer d’être contaminés. Tel était le cas aux USA, les hôtes qui ont proposé des locations à la campagne ont gagné 200 M de dollars rien qu’en juin, une hausse de 25 % si comparé à 2019. Aussi, après avoir enregistré une baisse de 72 % de ses revenus au 2nd trimestre par rapport à la même période l’année précédente, l’Airbnb est arrivé à engranger un bénéfice de 219 M de dollars pendant les 3 mois suivants.
Quand on parle d’une participation à une entrée en Bourse, les investisseurs ne considèrent pas ainsi le passé de l’entreprise. Ils s’intéressent plutôt à son avenir promettant ou non. La manière dont celle-ci gère une crise prouve entre autres l’efficacité de sa gestion. C’est justement l’un des éléments qui intéressent les investisseurs selon un cabinet de conseil expert dans les entrées en Bourse.
Du côté de DoorDash, Roblox et Wish, la crise sanitaire leur a offert des opportunités en dépit des doutes concernant leur business model respectif. En effet, certains éléments conjoncturels ont rendu la période de la pandémie propice à une entrée en Bourse. C’était le cas le 3 novembre 2020, une date à laquelle les Californiens ont donné leur avis favorable à la Proposition 22. Celle-ci contournait la loi de l’État selon laquelle les sociétés de la Gig Economy dont DoorDash, doivent classifier leurs travailleurs comme des salariés et non, comme des indépendants. Heureusement que cette Proposition 22 a profité d’une écrasante majorité, sinon la start-up aurait été obligée de réviser la totalité de son business model.
DoorDash a de ce fait beaucoup profité du confinement, car des millions de personnes cloîtrées chez elles commandaient et se faisaient livrer des repas concoctés dans les cuisines des restaurants de leurs quartiers. L’enseigne a ainsi généré 1, 92 Md de dollars durant le 1er trimestre de 2020, soit une hausse de 200 % si comparée aux 3 premiers mois de l’année précédente. L’entreprise a livré 50 % des repas commandés aux États-Unis en septembre, bien loin devant Uber Eats qui détient les 22 % de parts de ce marché.
En dépit de ces chiffres étonnants, la start-up n’a pourtant pas réalisé des bénéfices, car a quand même enregistré une perte de 149 M de dollars sur les 3 premiers mois de 2020.
Certes, les entreprises de la Silicon Valley ont l’habitude de ces déficits impressionnants. Une année avant son entrée en Bourse en 2018, Uber subissait aussi un déficit de 7, 9 Mds de dollars. Des questions sur la performance des entreprises de la Gig Economy à l’instar de DoorDash se posent pourtant. De l’avis de certains investisseurs, celles-ci sont destinées à être déficitaires à cause de leur business model très coûteux qui, une fois mise en œuvre, ne fournit pas de bénéfices. De plus, pour le moment, l’entreprise profite encore de la conjoncture propice à son développement, une situation qui risque de s’inverser une fois le Convid-19 vaincu.
Pour y faire face et afin d’anticiper un tel retournement de situation, l’enseigne projette de développer d’autres activités que la livraison de plats préparés. Elle prévoit ainsi de proposer un service de livraison international, une mutation commencée depuis le début de la crise sanitaire. C’était quand, outre de la nourriture, elle a aussi livré des masques, des gants et des gels désinfectants.
Quant à Roblox, un jeu vidéo free-to-play et essentiellement multijoueur en ligne où les joueurs peuvent faire des achats, a également bénéficié de la crise sanitaire et du confinement. En effet, pour la première fois, ces utilisateurs y ont dépensé 100 M de dollars en mai 2020. Cela incite l’entreprise à augmenter de 2 fois plus, soit à 4 Mds de dollars, sa récente valorisation pendant son entrée en bourse.
À l’instar d’Amazon, Wish qui commercialise des appareils électroniques à prix compétitifs et qui compte pas moins de 70 M d’utilisateurs actifs a aussi vu son CA bondir pendant le confinement. Bon nombre de ces utilisateurs l’accusent pourtant actuellement d’arnaques et de produits de piètre qualité. Selon un représentant de TechMarketView, l’avenir de Wish n’est pas assuré, son business model n’est pas très clair.
Sociétés IT en Bourse à Wall Street : effet boule de neige
Quoi qu’il en soit, cette 2nde vague d’entrée en Bourse prouve que l’industrie de la tech fait partie des secteurs qui ont su tirer leur épingle du jeu de la crise sanitaire. Cela entraîne un effet boule de neige favorable à Wall Street.
De l’avis d’un spécialiste, la pandémie a grandement participé aux valorisations boursières des sociétés des nouvelles technologies. Pour cause, le confinement a rendu encore plus dépendants vis-à-vis d’elles la société en général. Cela est valable que ce soit dans le monde du travail, de celui des études ou des loisirs. À cette ère où de nombreux secteurs industriels ont en effet fait les frais du Covid-19, le domaine des nouvelles technologies sert de refuge aux investisseurs. Ils préfèrent y investir au lieu de laisser leur argent à la banque sans pouvoir le faire fructifier.
Même si la pandémie disparaîtrait un jour, et avec elle, certains changements dans le mode de vie des hommes, d’autres comme l’adoption du travail à distance vont perdurer. Une récente étude a ainsi reconnu que le Covid-19 a accéléré de 3 ans environ la transition digitale. C’est dans ce sens que, pour être une excellente année, 2021 doive aussi voir de nombreuses sociétés préparer une entrée en Bourse. Pour cela, il faut que le marché reste bien portant et l’instabilité, contrôlée.
Jusqu’à maintenant, plusieurs jeunes pousses qui font parler d’elles ont déjà déclaré entrer en Bourse début 2021. Robinhood en fait partie, une application de trading provenant également de Silicon Valley. Avec son interface intuitive combinée à l’usage de quelques-uns des codes de gaming, elle entend populariser l’investissement financier et conquérir avec cela les jeunes utilisateurs. Elle a également profité de la crise sanitaire pour se développer et comptait jusqu’à 13 millions d’utilisateurs. 3 d’entre eux l’ont installée pendant les 4 premiers mois de l’année.
Instacart projette aussi d’entrer en Bourse au début de 2021. Excellant dans la livraison depuis les grandes surfaces, la start-up de San Francisco a vu son activité augmenter avec le confinement. De nombreux clients ont en effet recouru à ses services pour éviter d’être contaminés par le Covid-19. L’un d’eux a déclaré n’avoir jamais fait livrer ses cours avant, mais le service d’Instacart lui permet actuellement de continuer à préparer lui-même ses repas sans devoir faire les courses au supermarché. Fragile de poumons, il fait partie des personnes à risques. Au mois d’avril, alors que le monde était en pleine pandémie, la jeune pousse déclarait que le nombre de ses commandes était 10 fois supérieur à la moyenne. Celles-ci étaient même 20 fois supérieures dans les agglomérations comme San Francisco et New York.
UiPath, un éditeur de logiciel, et Bumble, une application de rencontres, se préparent aussi à entrer en Bourse pour ce début de 2021. L’année est ainsi bien partie pour l’industrie des nouvelles technologies, ce qui réfute l’existence d’une potentielle bulle. Au contraire, elle reprend rapidement du poil de la bête et recouvre une bonne santé financière.